Depuis sa création, le CrossFit s’est donné pour mission d’optimiser la condition physique (et mentale) de chacun grâce à une approche inclusive. L’idée de base simple et résolument ambitieuse : préparer les individus à n’importe quelle situation de la vie courante.
La pratique d’un sport « classique » est déjà bien entendu un bon début et peut contribuer à cela. Mais il est quasiment certain qu’un coureur de fond, qui excellera sur un marathon sera incapable de déplacer une charge lourde. Réciproquement, un haltérophile qui aura la capacité musculaire et nerveuse de soulever un caisson de 200kg s’épuisera très rapidement sur une course.
Transposé au quotidien, certains auront plus de mal à courir et se hisser en haut d’un mur en cas de fuite tandis que d’autres seront en grosse difficulté pour déménager du mobilier lourd.
Comment crée t-on une programmation de CrossFit et que devriez-vous y trouver?
Comment parvenir à être parfaitement complet ? Un tel niveau d’exigence ne peut s’atteindre qu’en travaillant conjointement chacune des aptitudes physiques que peut développe l’Homme : force, vitesse, endurance, agilité, puissance, mobilité, précision, coordination, capacité pulmonaire. Partant de ce postulat, l’essence même du CrossFit est précisément d’éviter la spécialisation pour développer parfaitement toutes les adaptations physiques. En d’autres termes, être « bon partout » mais n’exceller ou n’être passable nulle part.
Pour rappel, le CrossFit est une méthode de condition physique fondée sur 3 principes clés :
- Des mouvements fonctionnels
- Constamment variés
- Réalisés à haute intensité
Jusqu’à présent, vous pensiez peut être que la programmation de votre box était créée de manière complètement aléatoire par vos coach pour répondre aux exigences de « variance ». Voire fait au jour le jour, selon l’inspiration du moment. Détrompez-vous, celle-ci suit une logique rigoureuse. .
Une programmation peut etre cyclée..ou pas du tout!
Une programmation de CrossFit se construit en général sur 12 jours. Elle comporte en général trois jours d’entrainement suivi d’un jour de récupération active (marche, natation, yoga…) ou passive (repos total). En effet, l’intensité de la première partie induit indubitablement une baisse de régime au quatrième jour et une impossibilité de poursuivre l’entrainement efficacement tant les fonctions nerveuses et musculaires sont impactées.
Pour les personnes ne pouvant pas s’entrainer le week end pour des raisons pratiques, il est aussi possible de concevoir le plan d’entraînement sur 7 jours (5 jours ON et 2 jours OFF).
Ces temps doivent bien évidemment être gérés de manière individuelle par les athlètes, en fonction de leur emploi du temps. Au mieux, le programmateur peut-il prévoir des jours plus légers, plutôt axés sur de la technique ou de l’endurance les jeudi et dimanche (si la Box est ouverte) et proposer des séances complémentaires afin de les aider à récupérer.
Même si, pour des raisons très pragmatiques (régularité de la fréquentation notamment), il est très compliqué de cycler la programmation d’une box, le HeadCoach doit être capable de déterminer un ou plusieurs fils conducteurs qu’il déroulera petit à petit. Cela est d’autant plus vrai lorsque les cours de spécialité ne sont pas développés. Il peut y avoir ainsi une véritable notion de périodisation sur du moyen/ long terme (CompTrain..). comme pas du tout (CrossFit.com, Linchpin..). Toutes ont pourtant fait leurs preuves !
Un travail d’amélioration des pull up strict, intégrant une large part d’excentrique, de hold grip à la barre, de tirages avec des prises multiples sera par exemple mis en place sur 3 semaines au cours des Wod ou en accessory work avec une progression constante tandis qu’une de la technique des DU ou du Jerk (donc à charge légère) pourra s’intégrer ponctuellement sur plusieurs semaines sans générer trop de stress qui serait facteur limitant pour l’intensité des MetCon. Toute la difficulté sera de ne pas abandonner pour autant les autres mouvements !
Les « Benchmarks » permettent enfin de tester de manière très pragmatique l’évolution de chacun et de la box en général. Ce sont des outils permettant aux coachs de cibler les faiblesses de la programmation et de l’ajuster au besoin.. Ce travail est non seulement colossal mais aussi évolutif.. ce que ne perçoivent pas toujours les adhérents.
Une programmation doit être adaptable à tous et cohérente dans la durée
La programmation d’une box doit être accessible aussi bien aux personnes âgées ou manquant de condition physique qu’aux compétiteurs. CrossFit HQ, dans son Level 1, explique que les premiers visent la dominance fonctionnelle, tandis que les seconds recherchent la compétence fonctionnelle. La bonne nouvelle ? Ces deux paramètres s’inscrivent et se développent dans des des mécanismes physiologiques identiques.
Il est également nécessaire de trouver un équilibre entre technique et intensité afin que les pratiquants puissent à la fois acquérir un meilleur schéma corporel, une pleine maîtrise des mouvement et la réponse métabolique induite par l’effort..
Les standard « RX » sont établis par rapport au niveau général du CrossFit national mais également par rapport à celui de la box et aux préférences de l’entraineur. Cela implique une certaine cohérence dans la durée, guidée par une vision globale.
Pour rappel, les programmateurs et les coachs doivent réfléchir à des adaptations pour les débutants, les intermédiaires, les avancés, élites mais aussi pour les personnes blessées. Chacune d’elles sont définies en fonction de ces différents niveaux mais aussi du stimulus que le Wod est supposé déclencher. Ainsi, une programmation de qualité ne devra pas systématiquement mettre des pull-ups ou des chest-to-bar à la place des bar muscle-ups. Ces alternatives ne mèneront peut être jamais à l’objectif fina qui est de réaliser le mouvement « as prescribed » !
Si le but du jour est de se focaliser sur la phase finale du mouvement, l’entraineur pourra choisir par exemple de faire faire des dips. Si au contraire l’accent est mis sur le passage de la hanche, une bonne option sera de proposer un départ « pieds au sol » en fixant une barre d’haltérophilie au rack à hauteur de buste.
A contrario, les athlètes ayant un niveau « avancé », pouvant réaliser tous les Wod en RX auront besoin d’être challengés pour aller plus loin. Ceux-ci seront naturellement tentés de soulever des charges toujours plus lourdes ou d’augmenter le nombre de répétitions alors qu’il leur serait bien plus bénéfiques de travailler sur de nouvelles mécaniques de mouvements, la vitesse d’exécution ou de de chercher à intensifier les séances. On pourra donc proposer par exemple l’utilisation de parallètes ou de déficit à ceux maîtrisant les HSPU strict, d’utiliser des élastiques de résistance pour améliorer la puissance de leur clean…
Choisir la facilité par manque de temps, de préparation ou pire de motivation est TOUJOURS contre-productif !
Une programmation doit permettre de retrouver toutes les composantes du CrossFit
« Votre entraînement doit être le contraire de la routine« . Le ton est donné. La matrice a été conçue pour combiner tous les modes d’entrainements.
Concernant la répartition entre les 3 composantes, le premier jour est consacré à une seule modalité (C, G ou H). Le deuxième jour combine les deux qui n’ont pas été utilisés et le troisième les intègre toutes. Le cinquième jour repartira sur une modalité unique, différente de la précédente et ainsi de suite.
C = Cardio. Il s’agit de conditionnement métabolique mono structurel. Rameur, AirBike, Assault Bike, Course à pied…
G = Gymnastique. Ces ont les exercices réalisés au poids de corps, avec ou sans agrès : Pull-ups, Push-ps, Air Squats, Burpees, DU, Box Jumps…
H = Haltérophilie. On parle ici des mouvements qui incluent des déplacement de charge dans l’espace, avec n’importe quelle charge additionnelle : KB swing, Clean, Ground To Overhead avec plate…
Cela ne signifie pas pour autant que les athlètes doivent s’entrainer uniquement au sein leur box. L’essence même du CrossFit est de pouvoir transférer les compétences acquises à d’autre disciplines et les partis pris opérés ces dernières années par Dave Castro pour les épreuves CrossFit Games le confirment. Le coach peut donc recommander la pratique régulière de disciplines complémentaires : natation, trail, escalade, vélo, course d’obstacle, yoga..
Il faut aussi rechercher à insérer les « skills » au bon endroit, au bon moment en tenant compte de la disponibilité nerveuse et physique des athlètes. Un travail technique très pointu sera parfaitement inutile après une séance de force.. ou un MetCon très intense. Mais il pourra en revanche être intéressant en amont d’un Wod ne nécessitant justement pas de grande compétences (Barbara, Cindy…).
Enfin, une programmation de qualité doit chercher à privilégier les mouvements les plus complets et fonctionnels possibles. Elle doit être pensée et coordonnée en de manière à intégrer de manière intelligente et complémentaires les notions de de travail de pré et post fatigue, de poussée et de tirage, de muscles agonistes et antagoniste, de chaînes musculaires..
Une programmation intègre la notion de variance
Le but est ici d’éviter la polarisation qui peut se produire si certains éléments ou combinaisons sont répétés trop souvent et d’autres complètement délaissés. Un coach doit toujours rester rationnel et lutter contre son envie de mettre au programme des mouvements avec lesquels il a plus de facilité, d’affinité.
Beaucoup d’athlètes confondent d’ailleurs « aléatoire » et « variance ». Le premier concept est issu du hasard tandis que le second est pensé, planifié et permet de se confronter à un maximum de diversité.
La plupart des mouvements doivent figurer au cours des micro-cycle, en choisissant une seule de leurs adaptations pour éviter la redondance. Par exemple, un snatch peut se faire à la barre, aux dumbells ou aux kettelbells.. et peut se pratiquer en hang-power snatch, high-hang snatch, power snatch, full snatch ou snatch balance.. ou simplement dans un travail de force en high pull snatch ou deadlift prise snatch !
De même, un travail de clean ou de jerk peut s’effectuer avec une barre, des dumbells, des kettelbells, un medball, un sandbag.. voire un atlas stone !
Les échauffements seront, quant à eux adaptés au travail principal. Ils comprendront une partie générale tout d’abord, permettant d’augmenter progressivement le rythme cardiaque, la ventilation et la température du corps mais aussi de lubrifier les articulations. Une partie spécifique ensuite qui commenceront à solliciter les muscles qui seront réalisés lors du wod. Cette partie sera également l’occasion pour le coach de corriger la technique.
Pour rappel, la programmation CrossFit.com qui démontre une variance efficace se caractérise par :
- L’absence de modèle général quant aux jours où l’on travaille certains éléments ;
- La présence de tous les mouvements indépendamment de compétences ;
- Permet de nombreuses possibilités pour l’évaluation ;
- La création de combinaisons courtes et simples à haute intensité.
C’et une excellente base de travail, accessible gratuitement à tous et suivie par de nombreux athlètes confirmés.
Une programmation bien pensée est nécessairement … frustrante
En observant la fiche de programmation ci dessus, il est facile de comprendre qu’une programmation efficace comprend systématiquement des Wods longs (>20min), moyens.. mais aussi des Wods courts (<5min) et des « Heavy Days’ (jours lourds), ne comportant qu’un seul mouvement d’haltérophilie (H), réalisé avec des charges quasi maximales (au delà de 80%).
Ces deux derniers formats peuvent générer des frustrations de la part des adhérents qui ont bien souvent le sentiment de ne s’être pas assez dépensé. Beaucoup de salles ont encore du mal à faire comprendre l’importance de ce type d’entrainement. Les coachs ont tendance à y ajouter d’autres blocs de travail importants ou des « finishers » afin d’éviter les mécontentements, renonçant même parfois à appliquer les fondements théoriques et empiriques la méthode pour satisfaire les adhérents !
Or, l’entrainement CrossFit ne se limite pas à des séances multimodales (MetCon). Chaque type d’entrainement produit des adaptations hormonales, mécaniques et énergétiques différentes et tous sont essentiels à un programme de préparation physique générale.
Un Wod court ou une séance de force (« Heavy Day), s’ils sont bien exécutés et bien programmés, ont autant voire plus d’effet qu’un long chipper (wod comprenant plus de 4 mouvements) sur le système nerveux et le développement musculaire…mais seront forcément moins ludiques. Ils sont cependant indispensables pour développer la puissance sur des temps très courts et solliciter les deux filières anaérobies (alactique et lactique).
En ajoutant un MetCon à une séance d’haltérophilie « 2 – 2 – 2 – 2 -2 -2 » à 93% du 1RM, le risque est tout simplement d’en atténuer le rendement. L’idée ici est de rechercher le nombre optimal de répétitions (généralement entre 7 et 25 répétitions) en ne mobilisant que certains substrats énergétiques pour obtenir la réponse souhaitée. Ces séries doivent être réellement éprouvante. En dehors de cette fourchette, il n’y aura soit pas assez de stress musculaire pour conduire à une nouvelle adaptation, soit trop pour récupérer correctement ! A terme, le risque pour les athlètes est non seulement de « spécialiser » mais aussi de ne pas progresser ! D’autre part, les athlètes, sachant que quelque chose d’autre les attends après ce premier bloc, risquent plus ou moins inconsciemment de s’économiser.
Bien entendu, les athlètes pourront demander à leurs coachs des séances de travail complémentaires sur un ou plusieurs point(s) faible(s) en particulier. Cela est tout à fait acceptable et même souhaitable puisque les paliers ne peuvent se déverrouiller qu’en acceptant de se confronte aux lacunes.
Néanmoins, attention de n’être pas trop extrémiste…il est bien sûr possible d’intégrer une partie de renforcement musculaire en amont ou un aval d’un WOD mais les deux doivent être pensés en synergie pour ne pas risquer d’en minimiser les effets.
A contrario, à trop vouloir faire simplement « bouger les gens » sans les pousser à toujours sortir de leur zone de confort, la puissance de la méthode risque de petit à petit de se déliter et les coachs de devenir de simples animateurs. Là n’est bien sûr pas notre but.
Une programmation doit (quand même) être plaisante.. mais pas nécessairement complexe
L’art du programmateur ne s’arrête pas à l’efficacité. Pour que ses adhérents prennent plaisir à s’entraîner et franchissent le bas de leur box en se disant qu’ils vont certainement passer l’un des meilleurs moments de leur journée, l’aspect ludique est (quand même) toujours pris en compte.
Là encore, il est facile de tomber dans le piège de complexifier une programmation et d’inventer de nouvelles combinaisons, de nouveaux mouvements pour éviter la monotonie et obtenir davantage de résultats. Un tel choix pénalise finalement tout le monde.
Les athlètes ont finalement moins l’opportunité de se concentrer sur la technique des « basiques » (qui sont déjà légion) et donc plus de difficultés à atteindre la virtuosité, tant recherchée qui ne s’acquiert qu’au prix de nombreuses répétition, couplés à des stimulus différents (volume, charge, durée, matériel). Ceux-ci risquent de surcroit de se prendre au jeu et d’exiger « toujours plus » de fun, de jeux, de changement... épuisant peu à peu l’imagination des coachs qui se sentent tenus de les contenter. Le rendement ne sera pas celui escompté et la Box s’éloignera très probablement du CrossFit originel tel qu’il a fait ses preuves depuis des décennies. Les variables existantes sont tellement nombreuses qu’elles suffisent à elle-même pour créer des années entière d’entraînement sans jamais être confronté à la routine.
Une programmation peut être amusante de temps en temps, lors d’évènements exceptionnels ou lors des des compétitions pour obtenir un effet spectacle mais ne fournira pas de résultats probants à long terme.
Voici donc quelques unes des raisons pour lesquelles il vous arrive de râler après programmation de votre box et de penser que l’herbe est plus verte ailleurs… Elle est en effet peut être plus étincelante à la lumière mais il est pas dit qu’elle vous rende service, vous nourrisse davantage et fasse de vous un meilleur athlète.
Autant mettre tout de suite les pieds dans le plat : vos entraineurs ne sont pas là pour vous faire faire…ce que vous aimez ou voudriez faire. En France, tous sont diplômé d’Etat, certifiés par CrossFit et formés en interne. Ils savent exactement ce qui est bon pour vous et n’hésiteront pas à le mettre en place. Même si cela vous déplait. Même si parfois vous pouvez avoir l’impression de pouvoir faire certains Wods dans votre salon, que la programmation de la semaine est « ennuyeuse » ou au contraire trop exigeante.
Pour rappel, cette citation très explicite de Greg Glassman :
“The magic is in the movement,
the art is in the programming,
the science is in the explanation,
and the fun is in the community.”
Tout est alors question de choix : souhaitez vous véritablement progresser, améliorer tant votre santé que votre niveau de Fitness ou simplement venir vous dépenser, prendre part à une communauté ? Aucun choix n’est blâmable ou ne peut être jugé, ils vous appartiennent. Maintenant vous savez. Les cartes sont entre vos mains !
Auteur :
Merci à Thomas PACYGA, Jean Baptiste DESNOIX et Corentin LE COSSEC pour leurs contributions.
One thought on “Pourquoi râlez-vous sans cesse après la programmation de votre Box ?”